22 février 2022

Témoignage – Le rôle de l’interprète dans un Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP)

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Un Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) a pour missions le dépistage, le diagnostic, le traitement et la rééducation des jeunes enfants (0 à 6 ans) présentant des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux. Les interprètes ISM Interprétariat interviennent régulièrement dans ces structures, permettant ainsi de supprimer la barrière de la langue entre le/la patient(e), sa famille et l’équipe de professionnels. C’est le cas de Said NEMSI, interprète en langue arabe, qui intervient en présentiel lors de consultations au sein du CAMSP Les Lucioles, un service du Centre Hospitalier Intercommunal (CHI) de Créteil.

Dans le cadre de son journal interne (BlablaCAMSP n°9, janvier 2022), le CAMSP Les Lucioles a souhaité abordé le thème des différences culturelles et le rôle des interprètes, en mettant en lumière plusieurs témoignages, dont celui de Said.

ISM Interprétariat remercie chaleureusement le CAMSP de Créteil et Said pour son regard et son interview, dont l’intégralité est à retrouver ci-dessous.

« Au CAMSP nous recevons des familles de toutes origines. Certaines familles parlent encore peu le français et les questions que nous abordons sont parfois complexes. Il est important alors de se faire aider d’un interprète pour être certain que les familles ont bien compris nos questions et que nous avons bien compris leurs réponses. L’interprète permet aussi aux familles de poser leurs questions et aux professionnels de bien comprendre leurs réponses. Monsieur NEMSI, interprète en langue arabe intervient régulièrement au CAMSP par le biais d’Inter Service Migrants (ISM) Interprétariat. Il a bien voulu répondre à nos questions pour nous aider à bien comprendre son travail.

 

CAMSP : Pouvez-vous nous expliquer comment vous voyez votre travail d’interprète au CAMSP ?

SN : Mon travail au CAMSP ne diffère pas de mon travail dans d’autres lieux d’intervention. Cela ne signifie pas que ce travail soit standard, je dois m’adapter à chaque situation. Par exemple, je n’avais jamais imaginé traduire pour des enfants. C’est le cas également dans les PMI (Protection maternelle et infantile) où je dois traduire ce que le médecin dit à des bébés. Du point de vue des difficultés, je constate que certaines séances de psychothérapie transculturelle sont plus difficiles que celles des CAMSP. En psychothérapie culturelle, je me retrouve parfois avec plus de dix intervenants : le patient, généralement un enfant ou un adolescent accompagné des membres de sa famille ainsi que le groupe de thérapeutes, le pédiatre, l’assistante sociale et un ou plusieurs stagiaires.

 

CAMSP : S’agit-il de traduire exactement les questions et les réponses des professionnelles et des familles? Ajoutez-vous parfois des explications pour permettre à chacun de mieux se comprendre ?

SN : Les deux ! Parfois quand la question ou la réponse est simple, la traduction l’est également. Mais si la question (ou la réponse) utilise un jargon ou a un lien avec le système médical ou éducatif en France, il est clair que l’interprète doit traduire et expliciter le discours pour en permettre la compréhension. Sachant que lors des premières rencontres avec les professionnels des CAMSP, les parents sont parfois tétanisés ou dans un état de fragilité et d’anxiété. Nous sommes en tant qu’interprètes obligés d’avoir recours à la langue la plus simple possible. Cela est valable pour toutes les langues, mais certaines plus que d’autres.

 

CAMSP : Avez-vous une formation spéciale pour être interprète dans le cadre de consultations médicales ou de séances avec les psychologues ou les rééducateurs ?

SN : Avant d’intégrer ISM Interprétariat, je n’avais pas reçu de formation dans ce domaine précis. Ensuite, j’ai bénéficié de plusieurs courtes formations générales en psychologie mais pas la psychologie du handicap. Avec ISM, certains confrères ont effectué des formations (DU) en psychologie à l’université. Quant à moi, j’ai opté pour un autre DU en interprétariat dans les services publics. Mais nous essayons de combler ce manque par la lecture et par la formation sur le terrain.

 

CAMSP : En tant qu’interprète, êtes-vous soumis au secret professionnel sur tout ce qui est dit pendant les consultations ?

SN :  Nous sommes soumis au secret professionnel. Nous ne devons divulguer le contenu des discussions ou les informations recueillies lors de nos interventions sous aucun prétexte, y compris dans le cadre d’une recherche universitaire.

 

CAMSP : Trouvez-vous important de recourir le plus souvent possible au même interprète avec une famille ?

SN : Il me semble que dans le domaine médico-psychologique, il est préférable de recourir aux services du même interprète car après une séance ou deux, il va appréhender l’histoire du patient. Cela fait gagner du temps aux professionnels et contribue à rassurer les parents et l’enfant, surtout à un âge précoce comme c’est le cas des enfants des CAMSP.

 

CAMSP : Le travail d’interprète au CAMSP a-t-il modifié ou enrichi votre pratique professionnelle en général ?

SN : Comme j’apprends sur le terrain, cela se répercute évidemment sur ma pratique professionnelle. Le travail spécifique au CAMSP est en réalité un cours pratique qui m’a permis de comprendre l’importance de l’enfance dans le développement de la personne humaine et la nécessité de soigner ou en tout cas d’amoindrir les dysfonctionnements cognitifs dus à des maladies lourdes. C’est ce que fait le CAMSP avec brio. Enfin, je n’oublie pas un autre enrichissement enthousiasmant et émouvant : voir un enfant souffrant d’un handicap ou d’un retard cognitif, comprendre ce qu’on lui demande, applaudir ou simplement sourire ».