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Journée mondiale des réfugiés : débat sur le rôle de l’interprète dans la demande d’asile
À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés et de la sortie de son rapport d’activité pour l’année 2023, ISM Interprétariat a organisé le 20 juin 2024 un débat intitulé « Les mots de l’exil : le rôle de l’interprète dans la demande d’asile ».
Pour croiser des expériences et regards complémentaires sur le sujet, sont intervenu.e.s. lors de ce débat, animé par Laura Morel, Attachée de Direction générale et chargée du plaidoyer d’ISM Interprétariat : Mylène Comby, coordinatrice sociale au Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) d’Adoma du groupe CDC Habitat à Beauchamp, Maxime Maréchal, doctorant en sociolinguistique, Tahmina Asim, interprète professionnelle en dari, et Mamadou Ba interprète professionnel dans plusieurs langues d’Afrique de l’Ouest.
Le rôle indispensable de l’interprète auprès des personnes exilées allophones et des professionnel.le.s du travail social en CADA
« Le recours à l’interprétariat est indispensable dans nos pratiques », a affirmé Mylène Comby, Coordinatrice sociale en CADA, en introduction de son témoignage. Dans la structure les équipes de professionnel.le.s sociaux.ales font appel à des interprètes professionnel.le.s, principalement par téléphone, pour différents moments et besoins de la vie en CADA.
Le recours à l’interprétariat est utilisé dès l’entrée au CADA des personnes exilées pour expliquer le cadre de l’hébergement, pour l’accompagnement dans la demande d’asile aussi afin d’expliquer certaines étapes clés, comme l’entretien à l’Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou encore l’audience à la Cour nationale du droit d’asile, et également pour des échanges du quotidien, notamment sur la scolarité, ce qui permet aux familles de pouvoir échanger avec les équipes enseignantes.
Grâce à ses interventions, l’interprète permet aux demandeurs.euses d’asile d’être rassuré.e.s et compris.e.s, et donc d’instaurer un climat de confiance. Le recours à l’interprétariat permet aussi de mieux comprendre l’état psychologique des personnes.
« Mon rôle est essentiel pour aider les demandeurs d’asile à surmonter la barrière linguistique et à accéder à leurs droits »
– Tahmina, interprète professionnelle en dari d’ISM Interprétariat
En tant qu’interprète professionnelle, Tahmina Asim reconnaît les spécificités de son rôle lorsqu’elle prend des appels pour un CADA : les personnes exilées sont très vulnérables, les échanges nécessitent une sensibilité particulière, tout en assurant une interprétation précise, fluide, neutre et impartiale, ce qui peut se révéler un véritable défi sur le terrain. En parallèle de cette gestion émotionnelle pour l’interprète, la difficulté de son rôle tient aussi aux termes juridiques et administratifs complexes employés et à traduire.
L’évolution et les enjeux du rôle de l’interprète à l’OFPRA
Maxime Maréchal est doctorant en sociolinguistique et il a consacré sa thèse à la place de l’interprétariat dans les politiques d’asile, avec un focus sur l’OFPRA. Sur la base de ses travaux de recherche, il a donné des clés de compréhension de l’évolution de l’OFPRA, au cœur de laquelle s’est inscrit la langue et donc le rôle de l’interprète.
De la création de l’OFPRA en 1952 jusque dans les années 1980, la place de l’OFPRA dans les politiques migratoires a véritablement évolué, tout comme les modalités d’instruction des demandes d’asile. Jusque dans les années 1980, il n’y avait pas d’interprète à l’OFPRA : les officiers de protection étaient des réfugiés et parlaient les mêmes langues que les demandeurs.euses d’asile. C’est à partir de 1990 que des interprètes professionnel.le.s ont été envoyé.e.s à l’OFPRA, dans un objectif de neutralité et de distance entre les officiers de protection et les personnes exilées. La dernière évolution marquante est celle des années 2010, avec de nouvelles normes européennes qui ont renforcé l’obligation de recourir à des interprètes.
« Il est indispensable de reconnaître le rôle de l’interprète, la complexité de ce rôle et ne pas le voir comme un simple agent technique de traduction mais comme un intermédiaire qui est au cœur des politiques d’asile »
– Maxime Maréchal, doctorant en sociolinguistique
En tant qu’interprète professionnel intervenant à l’OFPRA depuis plusieurs années, Mamadou Ba a témoigné du déroulement des interventions et des enjeux qui s’y jouent. Avant de commencer l’entretien personnel en présence de la personne exilée, l’officier de protection échange avec l’interprète. Ensuite, il revient à l’interprète de s’adapter, en s’appuyant sur son expérience, ses capacités et compétences : expertise linguistique, connaissances géopolitiques, écoute, patience, décentrage, etc.
Ce rôle est donc complexe car chaque situation et chaque langue nécessite de s’adapter, tout en assurant un décodage à la fois linguistique et culturel. Le respect de la neutralité se révèle souvent complexe, en particulier quand l’interprète a pu avoir un parcours de vie similaire à la personne exilée.
Des enjeux du rôle de l’interprète à l’OFPRA résident également en la clarification importante à réaliser auprès du/de la demandeur.euse d’asile allophone sur le rôle de l’interprète. De plus, des questions précises et claires pour l’officier de protection ne le sont pas nécessairement pour le demandeur.euse d’asile, des sujets et expressions ne sont pas univoques à toutes les cultures et l’interprète doit être en mesure de les expliciter. Il est donc évident que le mot à mot ne fonctionne pas, et qu’il ne suffit pas de parler une langue pour être interprète professionnel.le.
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