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Désinfox – La communication avec les personnes migrantes allophones ne se résume pas qu’à l’utilisation des outils d’intelligence artificielle
L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) à des fins d’interprétation de conversations orales et de traduction de textes écrits d’une langue source vers une langue cible, vient interroger l’utilisation de nouveaux outils de communication, les impacts sur l’accueil et l’accompagnement des personnes migrantes allophones et sur le métier d’interprète et de traducteur.rice.
Ce questionnement s’inscrit dans les réflexions actuelles de notre association. Sans avoir une vision exhaustive d’un processus qui sera nécessairement continuel, et sans occulter ce que le développement de l’intelligence artificielle (IA) peut apporter, ISM Interprétariat entend poursuivre la défense de métiers au coeur de l’humain, dont la valeur ajoutée peut se résumer par les trois mots constitutifs de notre devise : l’humain, l’éthique et l’expertise.
Les multiples facettes de l’intelligence humaine que la machine reconnaît ne pas pouvoir répliquer
Victor interprète professionnel en espagnol et en anglais a mené une expérience en questionnant l’IA sur le remplacement du métier d’interprète et de traducteur.rice. Voici leurs échanges :
Victor : « Je suis interprète et traducteur. Et bien sûr, j’ai utilisé des logiciels informatiques pour m’aider à automatiser un certain nombre de tâches récurrentes… Cependant, l’interprétation (comme toute autre activité linguistique humaine) est un processus assez complexe (ou plutôt un ensemble de processus cognitifs vraiment complexes)… Ma question est la suivante : pensez-vous que l’IA remplacera un jour les interprètes humains ? Pouvez-vous penser à des choses que nous, interprètes/traducteurs humains, pouvons faire et que l’IA ne peut pas faire ?
IA : En tant qu’interprète et traducteur, votre travail implique des processus cognitifs et linguistiques complexes qui nécessitent actuellement l’expertise, l’intuition et la compréhension culturelle humaines. Bien que la technologie d’IA ait fait des progrès considérables dans le domaine de la traduction et de l’interprétation automatiques, il y a encore certains aspects où les interprètes humains excellent et où l’IA a du mal à les reproduire complètement.
Voici certaines choses que les interprètes/traducteurs humains peuvent faire et que l’AI ne peut pas facilement reproduire :
- Compréhension du contexte : Les interprètes humains peuvent saisir des nuances subtiles, des références culturelles et des significations spécifiques au contexte que l’AI peut avoir du mal à interpréter avec précision.
- L’intelligence émotionnelle : Les interprètes sont capables d’interpréter les signaux émotionnels, le ton de la voix et la communication non verbale afin de transmettre avec précision le message voulu et de maintenir le contact avec les orateurs.
- Créativité et adaptabilité : Les interprètes humains peuvent s’adapter à des situations inattendues, gérer l’ambiguïté et transmettre du sens de manière créative dans des environnements dynamiques et complexes.
- Expertise sur un sujet : Les interprètes ayant des connaissances spécifiques à un domaine peuvent fournir une expertise spécialisée dans des domaines techniques, juridiques, médicaux ou autres qui peuvent nécessiter une compréhension approfondie au-delà de la traduction linguistique.
Si l’IA a fait des progrès remarquables dans l’automatisation de certains aspects de la traduction et de l’interprétation, le contact humain et la capacité de se connecter à un niveau supérieur avec les orateurs restent précieux et difficiles à reproduire complètement pour l’IA. Les interprètes humains apportent un niveau d’empathie, d’intuition et de créativité qui peut améliorer la communication d’une manière que l’IA peut avoir du mal à atteindre.
En conclusion, alors que l’IA continue d’évoluer et de s’améliorer, les interprètes et les traducteurs humains resteront probablement essentiels pour les tâches qui nécessitent une compréhension linguistique et culturelle complexe, une intelligence émotionnelle et une capacité d’adaptation. L’élément humain dans l’interprétation et la traduction est irremplaçable et ajoute une valeur unique qui va au-delà de la conversion linguistique littérale. »
L’importance de la réflexivité sur le métier : une adaptation continuelle de la posture professionnelle au service d’un accompagnement humain des personnes migrantes
La réflexivité est cruciale dans le métier d’interprète, car elle permet une meilleure compréhension de soi et des expériences vécues, ce qui influence directement la qualité professionnelle. Contrairement aux outils de traduction automatisée, qui manquent de cette capacité d’introspection, les interprètes peuvent s’adapter en fonction de leurs émotions, de leurs biais personnels et de leurs réactions dans diverses situations. Cette prise de conscience les aide à mieux contrôler ces éléments, garantissant ainsi une interprétation plus neutre et objective.
En analysant leurs expériences antérieures, les interprètes peuvent repérer ce qui a bien fonctionné et ce qui n’a pas été efficace. Cette analyse les aide à perfectionner leurs compétences et à ajuster leur méthode selon le contexte et les personnes avec lesquelles ils/elles interagissent. Une approche réflexive incite l’interprète à s’ajuster aux divers styles de communication et aux attentes culturelles des interlocuteurs. Cela revêt une grande importance, surtout dans des environnements multilingues et multiculturels.
En témoigne, Hélène B., interprète d’ISM Interprétariat qui se remémore certaines situations : « Lors d’une annonce difficile faite à un patient atteint de cancer, j’ai dû traduire non seulement des mots, mais aussi des émotions lourdes de sens. Après que le médecin ait déclaré qu’il n’y avait plus de solution, un silence s’est installé avant que la famille du patient pose des questions. J’ai respecté ce moment de douleur, en laissant quelques instants avant de commencer l’interprétation. Lorsque le médecin a précisé que les soins allaient continuer, il était crucial de faire la distinction entre « soigner » et « guérir ». Cette nuance, souvent mal interprétée, a permis à la famille de mieux comprendre la situation et de vivre ce moment avec plus de respect et de dignité.
Dans un autre cas, une vieille dame hospitalisée après une chute devait retourner chez sa nièce, mais refusait catégoriquement cette proposition. Après une première tentative de communication infructueuse, j’ai été sollicitée. Dès le début, la tension était palpable. Le professionnel de l’hôpital expliquait que le retour chez sa nièce était nécessaire, mais la dame voyait cela différemment, convaincue que cette personne était en colère contre elle. En soulignant que des termes comme « nièce » peuvent avoir des significations différentes selon les cultures, j’ai pu clarifier la relation. Il s’est avéré qu’il s’agissait seulement de la belle-fille d’une connaissance. Cette révélation a ouvert la voie à une solution plus adaptée à la situation de la dame. »
En étant conscient de leurs propres processus de pensée, les interprètes peuvent mieux expliquer leur travail et établir des relations de confiance. Les nuances, qu’elles soient linguistiques, culturelles, l’empathie, et la capacité d’adaptation restent des éléments irremplaçables dans le métier d’interprète.
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